
Non, la pandémie n’aura pas été la meilleure Chief Digital Officer
Vient de sortir la toute dernière édition du sondage sur la transformation numérique des entreprises, réalisé par Léger pour le compte du cabinet conseils Talsom, mon employeur « by the way ». Sondage original, qui mesure cette année la perception qu’ont employés et gestionnaires de la transformation numérique, ou de son absence, au sein de leur propre entreprise.
Et la toute première réalité qui vient nous frapper à sa lecture, et qui vient contredire tout ce qui a pu s’écrire en 2020 et 2021, porte sur le fait que la pandémie n’aura finalement pas été l’accélérateur de la transformation numérique au sein des entreprises tel qu’on l’a tous réellement pensé ou tout au moins soupçonné à un moment. C’est quand même formidable de constater à quel point les facteurs externes influencent grandement nos perceptions.
Donc chiffres à l’appui, ce qui pouvait sembler être une accélération de la transformation numérique des entreprises au début de la pandémie, c’est finalement avéré être tout au plus un rehaussement technologique afin de permettre tout bonnement le télétravail. Les gestionnaires sondés admettent, avec le recul, que la pandémie n’a finalement pas eu d’impact réel sur leur projet de transformation numérique, dans une proportion tout de même en augmentation de 147%. Et de ceux qui pensaient que la Covid leur avait permis de prendre une avance technologique sur leur compétition, le nombre a fondu comme neige au soleil avec -35%. Quand on se plonge dans l’analyse de ce sondage, on peut y voir qu’une des explications possibles porte potentiellement sur l’absence de visibilité quant au plan d’investissement et la planification même du projet de transformation numérique de l’entreprise, les deux dans une proportion en hausse de près de 90%. Alors soit nos entreprises n’ont effectivement pas entrepris de réelle transformation numérique, soit elles le communiquent très mal en interne.
De bien mauvaise augure dans un contexte de pénurie de main d’œuvre puisque 97% des gestionnaires et 93% des employés pensent qu’une entreprise est plus attractive si elle intègre les technologies dans les processus de travail. Et dans une moindre mesure, ce sont tout de même 75% des gestionnaires et 71% des employés qui pensent qu’au contraire, en cas de retard dans sa transformation numérique, une entreprise incite les employés à tout simplement quitter. S’il fallait un élément de plus pour convaincre nos entreprises d’entreprises d’entreprendre leur transformation c’est bien celui-là ! Attractivité et rétention des talents. Tenez-le-vous pour dit : vos employés sont motivés en regard à l’adoption du numérique que voulez-vous. Et au petit jeu des comparaisons, sachez que les employés québécois sont 48% à avoir une motivation élevée contre 33% des employés ontariens. Et cette motivation trouve sans doute sa source dans le fait que dans une proportion de 40% une transformation numérique est perçue comme un parcours, plutôt qu’un objectif qui compte pour seulement 19% des sondés. En tout cas, ce n’est certainement sur le fait de pouvoir compter sur un accompagnement adéquat offert par l’entreprise, puisque globalement celui-ci est jugé comme « moyen » à 57% !
Après quoi, pour des raisons évidentes, il y a deux autres aspects sur lesquels les entreprises devraient sérieusement se pencher : la cybersécurité et les enjeux climatiques.
Sur le 1er aspect, la plupart des entreprises possède une politique de cybersécurité. C’est parfait. Elle est même d’ailleurs jugée comme optimale dans une proportion de 48% par les gestionnaires, pas si mal. En revanche, quand on regarde du côté employés, cette statistique tombe à 38%, un score tout de même moins reluisant. Mais la bonne nouvelle, c’est que le ¾ de l’entreprise est parfaitement conscient des enjeux de sécurité informatique, contrebalançant ainsi cette piètre performance. C’est aussi l’enjeux #1 qui est adressé à travers les projets de transformation numérique, à 54%, devant l’expérience client à 41%, et pour lequel on maximise le plus les capacités technologiques, à 48%, devant le marketing et les opérations à 45% chacun. Finalement, un bon score pour la cybersécurité sur toute la ligne. Notre ministre de la cybersécurité dormira certainement mieux en découvrant cela.
Sur le 2ème aspect, celui des enjeux climatiques, auquel je me permettrai d’ajouter sur une note personnelle, ceux liés à la sobriété numérique, on a encore un bon bout de chemin à faire au sein de nos entreprises. Voyez par vous-même. 69% des employés et 72% des gestionnaires sont intimement convaincus que l’utilisation qu’ils font des technologies a un impact, tenez-vous bien, entre nul et modéré sur le climat. Un sentiment renforcé sans doute par le fait que 67% des entreprises communiquent peu ou pas du tout sur le sujet, en tout cas, ça n’aide certainement pas à s’améliorer. Et quand on regarde du côté des objectifs que les entreprises mènent au travers de leur projet de transformation, le développement durable passe bien loin du podium avec une 5ème place, à 20%, loin, très loin derrière la pénurie de main d’œuvre sur la plus haute marche du podium avec un score de 48%. Les pressions économiques court terme l’emportent donc sur les considérations environnementales, pourtant anticipées comme de fortes pressions économiques à venir, au point où l’on devrait même les intégrer aux bilans financiers des entreprises, mais ça c’est une autre histoire.
De façon globale, à la lecture des résultats de ce sondage Talsom, il semble y avoir un clivage important entre la perception de notre motivation et capacité personnelle à adopter le numérique… et celles des autres ! 53% des gestionnaires et 43% des employés disent avoir une motivation élevée à adopter le numérique, 59% et 55% évaluent aussi leur capacité à utiliser la technologie comme étant élevée, 69% et 66% disent avoir les moyens adéquats pour les aider dans leur utilisation des technologies au travail, mais à contrario, les gestionnaires évoquent un degré d’adoption du numérique au sein de leur entreprise comme moyen à 58% voire faible à 9%, et du même souffle affirment à 64% que le manque de compétence ou de motivation en regard au numérique de la part des employés, est un frein à la croissance des entreprises, ou carrément une grande nuisance à 21%. En gros, il semble y avoir un sentiment qui ressemble à quelque chose du genre « c’est pas moi c’est l’autre ».
Il y a autre chose aussi qui m’a frappé, auquel je ne m’attendais pas.
Parmi les employés qui ont connaissance de l’existence d’un projet de transformation numérique au sein de leur entreprise, 57% d’entre eux reconnaissent en avoir une compréhension ne dépassant pas 3 sur une échelle de 1 à 5, avec un maigre 13% affirmant la maitriser parfaitement. Et parmi ceux qui ne savent même pas si leur entreprise a entamé ou non un projet de transformation, et bien ils sont 65% à dire que ce serait pourtant très important, pour l’avenir de l’entreprise, à 79%, et pour l’avenir de leur profession à 72%. Et ça, c’est d’une grande lucidité si vous voulez mon avis. Pas étonnant alors que « formation », « gestion de changement » et « échanges informels » se retrouvent respectivement tous, en haut des 40%, quand on demande aux employés quels sont les meilleurs moyens pour faciliter la mise en place des technologies.
Si jamais vous voulez recevoir une copie du sondage Talsom 2022, vous savez à qui la demander !